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08/11/2012

Permis de construire : le maire qui ne se souciait guère des fleurs (Jurisprudence)

Fotolia_46222576_Subscription_Monthly_L (1).jpgTous les horticulteurs le savent, la culture des fleurs demande beaucoup d’attention, de patience et de vigilance, ce que rappelle bien volontiers le Conseil d’Etat statuant sur un refus de permis de construire.

 


M. et Mme B sont propriétaires d’une petite parcelle de terrain sur laquelle ils s’adonnent à la très complexe, mais très lucrative culture du crocus sativus, cette fleur de teinte violette, plus connue sous le nom de safran, qui est également une épice de choix employée en cuisine depuis les temps antiques.

 

Ils en tirent un chiffre d’affaires de l’ordre de 15 000 euros annuel, Mme B y consacrant d’ailleurs l’essentiel de son activité durant la période de mai à novembre, sa période de floraison se situant durant l’automne.

 

Confrontés à la recrudescence des vols, et compte tenu de la valeur des bulbes et de l’épice issue des stigmates de la fleur, ces derniers ont éprouvé la nécessité d’édifier une maisonnette de 57 m² afin de pouvoir surveiller de plus près le développement de leurs plants, et ont ainsi sollicité la délivrance d’un permis de construire qui leur a été refusé par le Maire.

 

En tout, trois décisions de refus de permis de construire se sont succédées, sur le fondement du plan d’occupation des sols de la commune, lequel n’autorise en zone non constructible que « les constructions à usage d’habitation lorsqu’elles sont nécessaires à l’exercice de l’exploitation agricole ».

 

Le premier refus, au motif que la culture du safran n’exigeant pas que l’exploitant réside de manière permanente sur son exploitation, l’habitation projetée ne serait pas nécessaire à l’exercice de l’exploitation agricole.

 

Le deuxième, sur le motif nouveau que la superficie exploitée étant très inférieure à la surface minimale jugée nécessaire à une exploitation agricole (de 1 000 m² selon un avis du Conseil pour l’habitat agricole en Méditerranée-Provence), l’habitation projetée ne serait, là encore, pas nécessaire à l’exercice de l’exploitation agricole.

 

Le troisième, au motif que la superficie exploitée étant très inférieure à la surface minimale jugée nécessaire à une exploitation agricole, elle ne permet pas la viabilité du projet, et au motif, de nouveau, que l’habitation projetée n’est pas nécessaire à l’exercice de l’exploitation agricole.

 

Trois refus, qui ont donné lieu à trois jugements du Tribunal administratif de Marseille, qui ont eux-mêmes donné lieu à trois arrêts de la Cour administrative d'appel de Marseille, ayant abouti à des solutions différentes.

 

Nous voici donc devant le Conseil d'Etat saisi de trois dossiers sur une même affaire, qui ont été jointes pour y être statué par une unique décision.

 

Après avoir censuré les deux arrêts d’appel approuvant les refus du permis de construire opposés par le Maire, la Haute Juridiction évoque l’affaire et, en fin botaniste, juge que l’habitation projetée est bien nécessaire à l’exploitation en raison de la vigilance et de la disponibilité particulières exigées par la culture du safran, dont la fleur doit être cueillie à un moment précis de sa croissance et dont les stigmates doivent sécher à l’air libre, ainsi que de la valeur des bulbes et de l’épice issue de la fleur, imposant une surveillance permanente à certaines périodes de l’année.

 

En épilogue, on ajoutera que le permis de construire ayant déjà été accordé quand le Conseil d’Etat a statué, les conclusions à fin d’injonction de délivrer le permis de construire sont devenues sans objet. Et l’on précisera que le safran en plus que d’être une belle fleur et une douce épice, est également un dangereux poison.

 

« 11. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article NC2 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Grans, sont autorisées en zone NC : " 1b- Les constructions à usage d'habitation lorsqu'elles sont nécessaires à l'exercice de l'exploitation agricole ou de l'élevage " ;

 

12. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, en raison de la vigilance et de la disponibilité particulières exigées par la culture du safran, dont la fleur doit être cueillie à un moment précis de sa croissance et dont les stigmates doivent sécher à l'air libre, ainsi que de la valeur des bulbes et de l'épice issue de la fleur, imposant une surveillance permanente à certaines périodes de l'année, l'édification de la construction à usage d'habitation, d'une superficie hors œuvre nette de 57 m², projetée par M. et Mme B, doit être regardée comme nécessaire à l'exploitation ; que, les requérants habitant un logement de fonction où il ne peut être procédé au séchage des stigmates du safran, la commune n'est pas fondée à leur opposer la relative proximité existant entre leur domicile et l'exploitation de Mme B ;

 

13. Considérant, d'autre part, qu'il ressort également des pièces du dossier que, malgré la petite taille de la superficie cultivée par Mme B, celle-ci y consacre l'essentiel de son activité, de mai à novembre, et est en mesure, compte tenu du prix du safran, d'en tirer un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 15 000 euros ; qu'ainsi, alors même que le Conseil pour l'habitat agricole en Méditerranée Provence a émis le 30 janvier 2006 un avis estimant à un niveau supérieur la superficie minimale cultivée nécessaire à la viabilité d'une exploitation, Mme B doit être regardée comme titulaire d'une exploitation agricole au sens des dispositions de l'article NC2 du règlement du plan d'occupation des sols ;

 

14. Considérant, dès lors, que c'est à tort que, pour refuser le permis de construire sollicité, le maire de la commune de Grans a estimé que la construction à usage d'habitation projetée n'était pas nécessaire à l'exercice de l'exploitation agricole de Mme B ; »

 

(Conseil d’Etat, 7 novembre 2012, req. n°334424)

 

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