04/07/2012
La mise en oeuvre du droit de préemption doit répondre à un intérêt général suffisant (Jurisprudence)
Par un arrêt en date du 6 juin 2012, le Conseil d’Etat a précisé et rendu plus strictes les conditions de mise en œuvre du droit de préemption.
La haute juridiction confirme tout d’abord sa jurisprudence antérieure en énonçant qu’aux termes des articles L210-1 et L 300-1 du Code de l’urbanisme les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
Le Conseil d’Etat ajoute une condition supplémentaire à l’exercice du droit de préemption, considérant que la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
"Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ;"
(CE, 6 juin 2012, Société RD machines outils, n° 342328)
12:27 Publié dans Préemption | Tags : jurisprudence, urbanisme, préemption, motivation, intérêt général | Commentaires (8) | |
Commentaires
Très intéressant.
Je vous signale un autre arrêt du Conseil d'Etat, paru le même jour, mais concernant une affaire différente, par lequel le Conseil d'Etat a rappelé que l'autorité détentrice du droit de préemption doit justifier de la réalité d'un projet à la date de la décision de préemption (CE, 6 juin 2012, Cne de Murviel-les-Montpellier, req. n°341534).
En l'espèce, le Conseil d'Etat a annulé la décision de préemption portant à la fois sur la réalisation de deux logements sociaux, d'un parc de stationnement ainsi que d'un espace vert ouvert au public, au motif que si la commune justifiait bien de la réalité du projet de création des deux logements sociaux, en revanche, les projets de création du parc de stationnement et de l'espace vert, qui n'avait pas été discutés préalablement à la décision de préemption, ne pouvaient être regardés comme étant antérieurs à celle-ci.
Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat décide d'annuler l'intégralité de la décision de préemption, y compris en tant qu'elle concerne la création des deux logements sociaux, compte tenu du caractère indivisible de cette décision.
Amitiés.
Écrit par : Hipsterdumarais | 04/07/2012
Coucou à toi, je tenais à simplement commencer en disant que j'aime ton site. :D
En revanche il y a un tout petit soucis car le header semble un peu déplacé vers la droite sur mon navigateur (avec netscape).
Ps : sache qu'en tout cas, je reviendrai te lire régulièrement.
Écrit par : Panneau solaire | 13/10/2012
Merci beaucoup pour vos encouragements.
Nous allons essayer de régler ce problème d'affichage.
Écrit par : UrbaPratique | 20/10/2012
Bonjour une petite question, selon la jurisprudence le droit de préemption peut il s'effectuer sur une seule partie du terrain à vendre ? La loi dit que oui mais j'aimerais savoir ce que dit la jurisprudence.
Cordialement
Écrit par : Delia | 04/12/2012
Bonjour Delia
En principe, l'exercice du droit de préemption ne peut porter que sur la totalité du bien à vendre. Par exception, il peut porter sur une partie d'un terrain, lorsque ce terrain est situé en partie dans la zone de préemption et en partie en dehors de cette zone, avec dans ce dernier cas la possibilité pour le vendeur d'exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de la totalité du bien.
Écrit par : UrbaPratique | 17/12/2012
Cher Maitre,
- Nous avons igné le 14 juin 2001 avec l’établissement public dénommé les Houillères de Bassin du Centre et du Midi un compromis de vente sous l’égide de Me Lucien AFFORTIT, notaire, ayant pour objet la vente à votre bénéfice d’un tènement immobilier sur le territoire de la Ville d’Alès (ci-après « la Ville ») :
o comprenant un bâtiment de quatre niveaux et un bâtiment de trois niveaux ;
o implanté sur les parcelles communales cadastrées section CD n° 205, 266 et 454 ;
o contre le paiement d’un prix de 713.855 francs ;
- cette vente était soumise à la condition suspensive que la Ville n’exerce pas son droit de préemption dans un délai d’un mois suivant la signature dudit compromis ;
- Me AFFORTIT a notifié à la Ville la déclaration d’intention d’aliéner faite par les Houillères de Bassin du Centre et du Midi à une date qui ne peut être établie avec certitude et sans recommander avec accuser de réception ;
- la Ville a exercé son droit de préemption par une décision du 14 septembre 2001 sans recommander dont Me AFFORTIT vous nous a adressé un exemplaire par courrier daté du 25 septembre 2001 avec une enveloppe avec la date du 24 septembre 2001 ;
- cette décision de préemption – dont l’étude notariale de Me SORIANO nous a adressé un tirage le 15 février 2013 – ne mentionnait pas les voies et délais de recours susceptibles d’être formés à son encontre ;
- ignorant nos droits :
o nous n’avons pas déposé un recours devant la juridiction administrative à l’encontre de cette décision qui était, de surcroît, tardive et qui n’était probablement pas, par voie de conséquence, de nature à empêcher la réitération de la vente ;
o le notaire nous a indiqué que l’on pouvait pas finaliser la vente et a proposés de signer un second compromis de vente avec les Houillères de Bassin du Centre et du Midi le 18 février 2002 ayant désormais pour objet un tènement immobilier réduit à la parcelle cadastrée section CD n° 205 comprenant le bâtiment susmentionné de quatre niveaux contre le paiement d’un prix de 51.819,50 € ;
- les Houillères du Bassin du Centre et du Midi ont cédé à la Ville les parcelles cadastrées section CD n° 266 et 454 dont nous devions acquérir la propriété aux termes du premier compromis de vente du 14 juin 2001 par un acte authentique signé le 24 septembre 2002 sous l’égide de Me Lucien AFFORTIT ;
- la Ville a cédé ces mêmes parcelles à l’O.P.H.L.M. d’Alès dénommé le « Logis Cévenol » le 29 septembre 2004.
A la suite de ces ventes successives:
- le « Logis Cévenol » a exécuté des travaux de démolition et de construction d’un ensemble immobilier de logements sociaux sur les parcelles acquises en application des stipulations de l’acte authentique de vente précité du 24 septembre 2002 sises à proximité de notre propriété ;
- ces travaux nous ont causé des préjudices ;
- le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier a désigné, à votre demande, Monsieur Guy COUFFON comme Expert pour évaluer les préjudices subis à raison des travaux exécutés sous la maîtrise d’ouvrage du Logis Cévenol par une ordonnance du 9 juin 2006 ;
- l’expertise a été étendue à la SA RICHARD SATEM en tant que titulaire du marché de travaux de démolition et de construction des logements sociaux et de son sous-traitant, la société ANDRE TP, par une ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier du 8 mars 2007 ;
- que l’expert a déposé un rapport au Tribunal le 25 octobre 2007 dans lequel il a conclu que vous auriez subi des préjudices à raison des travaux exécutés par le Logis Cévenol ;
- nous avons déposé une requête indemnitaire devant le Tribunal administratif de Nîmes aux fins d’obtenir la condamnation du Logis Cévenol à réparer les préjudices subis à raison de ces travaux dont vous avez chiffré le montant en principal et sauf à parfaire à la somme de 232.011,10 € ;
- la Ville a présenté ses observations en défense et que l’instruction est en cours.
J’aimerai:
- déposer un recours aux fins d’annulation de la décision de préemption du 14 septembre 2001 devant le Tribunal administratif de Nîmes dans le but de se prévaloir de cette annulation pour solliciter, ensuite, devant le Tribunal de grande instance territorialement compétent :
• l’annulation des actes de cession des parcelles cadastrées section CD n° 266 et 454 dont il était prévu par le compromis de vente du 14 juin 2001 que nous devions acquérir la pleine propriété ;
• qu’il soit enjoint à la Ville de nous céder la pleine propriété des parcelles cadastrées section CD n° 266 et 454 sous condition du paiement d’une astreinte par jour de retard pris pour agir ;
o à titre subsidiaire, la réparation du préjudice subi à raison des vices qui entachent ces cessions ;
dites moi si cette stratégie est envisageable , le but c'est d'annuler les 2 ventes successives , et demander réparation de la parcelle de 1000 m2 qui fesait partie du lot dans le compromis de vente , après l'annulation de la préemption du 14 septembre 2001 , il nous on pas signifier nos voie de recours.
merci
bien cordialement
Écrit par : boudache | 11/04/2013
Madame, Monsieur,
Je vous remercie de l’intérêt que vous portez au blog et de m’avoir posé votre question.
Un examen des pièces serait nécessaire pour vérifier certains aspects de la recevabilité de votre requête, apprécier la légalité la décision de préemption et élaborer une stratégie.
Je suis en mesure de vous apporter les précision suivantes:
J’ai bien noté qu’en tant qu’acquéreur évincé, vous souhaitiez obtenir l’annulation de la décision de préemption, ainsi que des ventes intervenues avec la commune ou, à tout le moins, être indemnisé du préjudice en résultant pour vous.
Tout d’abord, j’observe que si la décision de préemption n’a pas été notifiée par courrier RAR lui donnant date certaine, elle ne pouvait pas faire obstacle à la réalisation de le vente entre vous et l’établissement public, ce que votre notaire était en mesure de constater pour en tirer la conséquence que la vente pouvait se poursuivre.
Dès lors que la décision de préemption ne vous a pas été notifiée avec les voies et délais de recours, vous avez toujours la possibilité d’exercer un recours contre cette décision.
En effet, vous ne pourriez être considéré comme étant hors délai qu’en application de la théorie de la connaissance acquise selon laquelle celui qui a déjà exercé un recours contre une décision est réputé en avoir eu connaissance et le délai de recours de deux mois avoir, ainsi, déjà commencé à courir. Mais dans votre cas, cette théorie jurisprudentielle devrait être écartée dès lors que vous n’avez pas introduit un recours gracieux demandant le retrait de cette décision.
Vous pouvez donc envisager un recours devant le Tribunal administratif de Nîmes pour tenter d’obtenir l’annulation de ces décisions de préemption, dont la nullité rejaillit sur la vente intervenue entre l’établissement public et la commune.
Cependant, dans votre cas, il ne sera sans doute pas possible de remettre en cause les ventes intervenues ultérieurement entre la commune et l’OPHLM.
En effet, d’une part, la jurisprudence judiciaire n’a, jusqu’à présent, jamais admis la nullité de l’acte de revente d’une collectivité suite à une préemption irrégulière. D’autre part, la jurisprudence administrative refuse expressément d’enjoindre à une collectivité de proposer à la vente les parcelles préemptées irrégulièrement, dès lors que celles-ci ont été revendues à un tiers.
En revanche, vous pouvez obtenir une indemnisation en raison de l’illégalité de la décision de préemption, à condition de pouvoir établir suffisamment votre préjudice, incluant notamment les frais inutiles engagés concernant la vente et la perte de chance de pouvoir réaliser votre projet, étant précisé que vous avez la possibilité d’exercer simultanément ce recours indemnitaire avec votre recours en annulation.
Pour tout besoin d’un complément de réponse ou pour connaître les conditions d’une intervention dans vos intérêts, merci d’écrire à cette adresse : urbapratique@gmail.com.
Je vous prie, Madame, Monsieur, d'agréer l'expression de mes salutations distinguées.
Écrit par : UrbaPratique | 17/04/2013
Bonjour Maitre,
J'ai lu avec attention votre bonne analyse de la question de la préemption urbaine. Je vous soumet une problématique concomittante.
Il y a 5 mois, la 1ere adjointe de mon village m'annonce le retrait de la commune sur une préemption potentielle d'une parcelle nue située en cœur de village. Suite à son conseil, j'évalue et négocie avec un cabinet de généalogie, un expert judiciaire pour au final faire une proposition chiffrée fin aout au notaire qui suit la succession. Pas de compromis signé pour l'instant.
Au final, le Conseil Municipal indique sur le Compte-rendu de fin novembre 2013 dans les questions diverses (hors délibérations) : "Droit de préemption : La Déclaration d’Intention d’Aliéner concernant la parcelle A93 à la Chavanne est
arrivée en mairie. Ce secteur est saturé en termes de stationnement. Aussi, dans l’intérêt collectif, la
commune va faire valoir son droit de préemption pour la réalisation d’une aire de stationnement (environ 18
places).". Quelle surprise sachant qu'aucun projet n'a été proposé préalablement aux administrés et surtout dans le quartier concerné (zone rurale à très faible besoin d'équipements communs - 4 places de stationnement actuellement)! De plus le montant indiqué est celui de ma négociation initiale! Que puis-je mener comme action pour recadrer l'action communale pré électoraliste?
Merci de votre lecture, analyse et retour!
Écrit par : bda | 02/01/2014
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