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25/04/2013

Expropriation : pas de prise de possession sans indemnisation préalable (Jurisprudence)

expropriation,dépossession,voie de fait,emprise irrégulière,consignation,indemnisationFidèle à l’esprit et à la lettre de la loi, la Cour de cassation n’admet en aucun cas le droit pour l’expropriant de prendre possession d’un terrain sans indemnisation préalable.


Dans cet arrêt, la Société d’équipement du département de la Réunion (SEDRE) avait exproprié quatre parcelles, appartenant chacune à un propriétaire différent, pour une surface totale de 85 867 m², afin de réaliser une école maternelle.

 

Les intéressés se sont vus dépossédés de leur terrain durant plusieurs années, avant même qu’une ordonnance d’expropriation n’ait été rendue, et sans que la SEDRE n’ait jamais versé, ni même consigné aucune indemnité, ce qui constituait une violation évidente de la loi.

 

Par ailleurs, l’ordonnance d’expropriation intervenue par la suite s’est trouvée dépourvue de base légale du fait de l’annulation de l’arrêté de cessibilité, entraînant, par un effet de dominos, l’irrégularité de la prise de possession par l'expropriant, lequel devait normalement procéder à la restitution des biens et indemniser les expropriés du préjudice subi du fait de cette voie de fait et de cette emprise irrégulière.

 

Pour s’opposer à la condamnation au paiement d’une indemnité de dépossession, en plus de l’indemnité d’expropriation, pour un montant de plusieurs millions d’euros, la SEDRE arguait de ce qu’elle n’était pas sensée verser des sommes, à partir du moment où un recours ayant des chances d’aboutir avait été formé contre l’arrêté de cessibilité.

 

Selon cette dernière, il aurait été effectivement  risqué de verser une indemnité aux expropriés, dès lors qu’en cas d’annulation de l’arrêté de cessibilité, elle aurait dû restituer les terrains, sans avoir la moindre garantie d’obtenir le remboursement des indemnités déjà versées (pour une illustration de ces difficultés pratiques, voir sous nos colonnes : Cass. Civ 1, 26 septembre 2012, pourvoi n°11-20259).

 

La Cour de cassation ne souscrit pas à cette analyse et juge que le fait de ne pas pouvoir être certain de recouvrer le montant de ces indemnités n’est pas de nature à dispenser l’expropriant de son obligation de verser l’indemnité d’expropriation avant sa prise de possession.

 

Cette solution, protectrice pour les administrés et conforme au principe selon lequel nul ne peut être privé de sa propriété sans une juste et préalable indemnité, n’est pas sans poser des difficultés eu égard aux articles 15-1 et 15-2 du Code de l’expropriation déclarés contraires à la constitution, à compter du 1er juillet 2013 (Décision n°2012-226 QPC du 6 avril 2012).

 

En effet, l’article 15-2 du Code de l’expropriation permet que l’expropriant, lorsqu’il fait appel du jugement en fixation d’indemnité, puisse prendre possession des parcelles expropriées en versant seulement le prix qu’il a proposé dans ses mémoires en offre et consigne le surplus de l’indemnité fixée par le Juge de l’expropriation dans l’attente d’une décision définitive.

 

La censure de cet article revient quasiment à assortir de l’exécution provisoire, le jugement de première instance fixant l’indemnité d’expropriation, dès lors que l’expropriant sera désormais tenu de verser l’intégralité de l’indemnité décidée en première instance, sans attendre le résultat de son appel.

 

Ainsi, en cas de réduction de l’indemnité d’expropriation en appel, l’expropriant qui aura souhaité prendre immédiatement possession des terrains, assume le risque de ne pouvoir être remboursé des sommes qu’il a versées en sus de ce qu’aura finalement décidé le juge d’appel.

 

« Attendu, d'une part, qu'ayant exactement énoncé que les propriétaires expropriés n'étaient tenus d'abandonner les lieux qu'un mois après le paiement ou la consignation de l'indemnité d'expropriation, relevé qu'il était constant que la SEDRE n'avait versé ni consigné aucune indemnité et retenu à bon droit que l'existence d'un recours était indifférente et que si dans ce cas le risque de rétrocession des biens expropriés pouvait conduire l'expropriant à ne pas payer ou consigner l'indemnité, il ne devait pas alors prendre possession de ces biens, la cour d'appel en a justement déduit que le préjudice résultant pour les consorts X... de cette emprise irrégulière devait être indemnisé ; »

 

(Cass. Civ 3ème., 16 avril 2013, pourvois n°12-12929 et 12-14630)

 

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