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23/10/2014

Les modalités d'affichage d'une décision administrative sont régies par les règles en vigueur à date d'édiction de la décision

panneau.jpgLa décision n° 361715 en date du 22 septembre 2014, rappelant que les modalités d'affichage d'une décision administrative sont régies par les règles en vigueur à la date d'édiction de cette décision, donne l'occasion au Conseil d'Etat de préciser les modalités d'affichage d'une autorisation de lotir, et plus généralement les règles d'application dans le temps de dispositions règlementaires nouvelles. Les requérants désiraient contester un arrêté municipal en date du 30 août 2007 par lequel le maire d'une commune avait autorisé une société à réaliser un lotissement sur le territoire de la commune. 

 


L'enjeu du litige se posait, tout d'abord, sur le terrain de la recevabilité. Le recours avait été enregistré par le greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 13 mai 2008, soit bien après l'expiration du délai prévu par les dispositions de l'article R. 600-2 du Code de l'urbanisme alors en vigueur, courant à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 du Code de l'urbanisme.

Les requérants justifiaient leurs recevabilités en se prévalant du caractère incomplet du panneau d'affichage. Ils soutenaient, que l'absence de mention sur le panneau d'affichage de la surface hors oeuvre nette (SHON) autorisée dans le lotissement faisait obstacle, à ce que l'affichage sur le terrain de l'autorisation de lotir accordée puisse faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre de cette autorisation.

A la date d'introduction de la requête, les modalités de déclenchement du délai de recours étaient régies par les dispositions de l'article R. 600-2 du Code de l'urbanisme introduites par le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme.

Au cas précis des autorisations de lotir, la substitution des dispositions de l'article R. 600-2 du Code de l'urbanisme aux dispositions combinées des articles 315-42 et A. 315-3 du même code en vigueur jusqu'au 30 septembre 2007, avait eu, notamment, pour conséquence de supprimer l'obligation de mentionner sur le panneau d'affichage la surface hors oeuvre nette autorisée du projet de lotissement.

L'application dans le temps de ces nouvelles dispositions était en principe assez claire.

Il était prévu, en application du 3 de l'article 26 du décret précité, que les nouvelles dispositions de l'article R. 600-2 seraient applicables aux actions introduites à compter du 1er octobre 2007. Si le décret, en son article 26, prévoyait que les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le Code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeureraient soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt, aucune disposition transitoire ne régissait, en revanche, les modalités d'affichage pour les situations en cours.

Dans le présent litige, la difficulté venait du fait que l'autorisation de lotir avait été accordée le 30 août 2007, soit avant l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2007, des dispositions de l'article R. 600-2, et que le recours avait été introduit le 13 mai 2008, soit postérieurement après l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions. Se posait donc la question de la détermination de la règlementation applicable dont dépendait directement la recevabilité des requérants.

L'alternative était la suivante: dans l'hypothèse dans laquelle la réglementation, en vigueur au moment de la délivrance de l'autorisation de lotir, et antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 5 janvier 2007, trouvait à s'appliquer, le panneau d'affichage devait être regardé comme incomplet du fait de l'absence de mention de la SHON autorisée dans le projet de lotissement, et la requête déclarée recevable.

Soit, au contraire, devaient seules être considérées comme applicables, les dispositions de l'article R. 600-2. Dans ce second cas, la circonstance que la SHON autorisée dans le lotissement ne soit pas mentionnée sur le panneau d'affichage ne faisait pas obstacle à ce que l'affichage ait fait courir à l'égard des tiers le délai du recours contentieux à compter du 3 septembre 2007, dès lors que l'indication de cette mention n'était pas rendue obligatoire par les dispositions de l'article R. 600-2 du Code de l'urbanisme, comme avait pu le juger la juridiction de première instance, rejetant la requête pour tardiveté (TA Bordeaux, 28 février 2011, n° 0802346).

Justifiait l'application des dispositions de l'article R. 600-2, en sa rédaction postérieure au 1er octobre 2007, les principes jurisprudentiels selon lequel les dispositions réglementaires nouvelles régissent les situations futures mais également les situations en cours (CE, Sect., 19 décembre 1980, n° 12387), dès lors qu'elles ne sont pas encore devenues définitives à la date d'entrée en vigueur de cette règle (CE, Sect., 22 mars 1957, Caisse de retraites des industriels et commerçants des Alpes ; CE, Sect., 28 janvier 1955, Consorts Robert et Bernard).

En matière d'autorisation de construire, le Conseil d'Etat avait déjà eu l'occasion de considérer, en outre, qu'eu égard au caractère continu d'une construction, les bénéficiaires d'un permis de construire délivré avant le 1er octobre 2007 ne pouvaient se prévaloir d'aucune situation juridiquement constituée de nature à faire obstacle à l'application des nouvelles dispositions du Code de l'urbanisme incombant au pétitionnaire de mentionner sur le panneau d'affichage les formalités de notification requises par l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme (CE 1° et 6° s-s-r., 17 février 2012, n° 33756).

S'inscrivant dans ce mouvement jurisprudentiel, la cour administrative de Bordeaux avait rejeté la requête pour tardiveté (CAA Bordeaux, 1ère ch., 7 juin 2012, n° 11BX01138), après avoir considéré, que l'application, à compter du 1er octobre 2007, des nouvelles règles régissant le déclenchement des recours des tiers à l'encontre des autorisations d'urbanisme en cours d'exécution à cette date ne portait atteinte à aucun droit définitivement acquis par les parties antérieurement, ni à aucune situation juridiquement constituée antérieurement et ne méconnaissait pas le principe de non-rétroactivité des actes administratifs. En conséquence, elle en avait déduit que c'était à bon droit que le tribunal administratif avait pu considérer qu'en l'espèce, seules étaient applicables les nouvelles dispositions de l'article R. 600-2 du Code de l'urbanisme.

Cette solution pouvait apparaître sévère pour les requérants, qui ne pouvaient anticiper ce changement de règlementation, mais également pour les bénéficiaires d'autorisation d'urbanisme susceptibles de voir les voies de recours réouvertes à l'encontre de l'autorisation d'urbanisme dont ils bénéficiaient en raison de l'apparition d'une nouvelle formalité de publicité, non accomplie au moment de la délivrance de l'autorisation.

La jurisprudence n'apparaissait pas toutefois encore parfaitement stabilisée.

D'une part, dérogeant au principe d'application immédiate de la règle nouvelle, la jurisprudence avait déjà pu, en effet, réserver un sort différent aux règles "affectant la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir" (CE 1° et 6° s-s-r., 11 juillet 2008, n° 31338). Selon la grille d'analyse synthétique établie alors par le commissaire du Gouvernement Anne Courège : "les règles nouvelles relatives aux formes selon lesquelles les recours pour excès de pouvoir doivent être introduits et jugés sont d'application immédiate. En revanche, celles qui affectent la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative, en portant atteinte aux droits acquis des parties, ne peuvent trouver à s'appliquer aux décisions administratives prises antérieurement à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions".

D'autre part, dans un avis rendu le 19 novembre 2011 (CE avis, 2° et 7° s-s-r., 19 novembre 2008, n° 31727), le Conseil d'Etat avait opéré une distinction entre l'obligation de mentionner les formalités requises par l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme, règle de procédure qui ne doit être accomplie que postérieurement à l'introduction du recours, et les autres mentions substantielles figurant sur le panneau d'affichage "portant sur la nature et la consistance de la construction projetée ou sur les voies et délais de recours, dont la connaissance est indispensable pour permettre aux tiers de préserver leurs droits et d'arrêter leur décision de former ou non un recours contre l'autorisation de construire".

En l'espèce, la mention concernant la SHON autorisée dans le lotissement constituait une information relative à la consistance du projet de lotissement et permettait, à ce titre, aux tiers d'apprécier l'opportunité d'une action contentieuse contre l'autorisation de lotir. Dès lors, dans la mesure où elles affectaient la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre l'autorisation de lotir, les dispositions de l'article R. 600-2 supprimant l'obligation de mentionner la SHON autorisée dans le panneau d'affichage pouvaient être écartées concernant les décisions administratives prises antérieurement à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

A notre sens, tels semblent être les fondements de la décision commentée, dans laquelle le Conseil d'Etat censure pour erreur de droit la cour administrative d'appel qui avait estimé que l'indication de la SHON autorisée sur le panneau d'affichage de l'autorisation attaquée n'était pas obligatoire, après avoir énoncé, dans un considérant de principe, que "les modalités d'affichage sur le terrain d'une autorisation d'urbanisme sont régies par les règles en vigueur à la date de délivrance de cette autorisation" et que "cette règle n'est remise en cause ni par les dispositions [...] de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, ni par les dispositions transitoires du 4 de l'article 26 du décret du 5 janvier 2007 ; qu'il en résulte que l'affichage de l'autorisation de lotir attaquée était soumis aux règles applicables à la date de sa délivrance, soit le 30 août 2007, imposant, en vertu des dispositions combinées des articles R. 315-42 et A. 315-3 du Code de l'urbanisme, en vigueur jusqu'au 30 septembre 2007, la mention sur le panneau d'affichage de la surface hors oeuvre nette autorisée du projet de lotissement".

 

Lire l'arrêt.

 

Article publié in Lexbase Hebdo édition publique n ̊349 du 23 octobre 2014.

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