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23/01/2013

Utilisation illicite des plans d’un architecte : quelle indemnisation ?

Fotolia_32329838_XS.jpgDans cet arrêt, la Cour de Cassation juge qu’en cas de réutilisation illicite de plans d’architecte, le préjudice né du non versement des  honoraires à l’auteur des plans se confond avec le préjudice «patrimonial» résultant de l’usage frauduleux des ces plans. Ces deux préjudices ne pouvant donner lieu qu’à une seule et même indemnisation.


L’affaire était la suivante, un particulier avait conclu un contrat de construction d’une villa avec une société, et dans ce cadre un bureau de maîtrise d’œuvre  avait conçu les plans de la villa.

Ultérieurement le particulier avait rompu son contrat avec la société de construction et en avait conclu un autre avec une nouvelle société en lui transmettant les plans élaborés par le bureau de maîtrise d’œuvre.

Celui-ci avait alors introduit une action en contrefaçon pour reproduction illicite de ses plans et avait obtenu la condamnation du particulier et de la société de construction au paiement d’une somme de 6 000 euros en réparation de ses préjudices.


Rappelons à ce stade que les plans, croquis, et maquettes d’architecture sont considérés comme une œuvre de l’esprit par le 12° de l’article L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle et sont protégés à ce titre par les dispositions de l’article L.111-1 et suivants du même code.

Qu’en application de cet article L.111-1, l’auteur des plans, dispose d’un droit de propriété incorporel et opposable à tous sur les plans qu’il a réalisés.

Que ce droit de propriété comporte des attributs d’ordre moral et patrimonial se manifestant notamment à travers d’une part un droit de divulgation exclusif défini par l’article L.121-2 du Code de la propriété intellectuelle, et d’autre part à travers un droit de reproduction exclusif, qui désigne aussi, pour le cas précis des plans d’architecture, la réutilisation de ces plans, en application de l’article L.122- 3 du Code de la propriété intellectuelle.

Prérogative liée à la qualité d’auteur, la reproduction ou la réutilisation de plans sont illicites et peuvent donner lieu à des poursuites pénales dés lors qu’elles sont effectuées sans l’autorisation de leurs auteurs ou à défaut de prouver une cession des droits attachés aux plans.

(v. notamment Civ, 15 novembre 1989, S.A. Les Vêtements M Laufer Pieszownik, n° 88-13.441 ; Crim, 27 juin 2006, Castagnoni et autres, n° 05-86.634)

En l’espèce c’est sur ce fondement que le bureau de maîtrise d’œuvre a obtenu la condamnation du particulier et de la société de construction en contrefaçon et paiement d’une indemnité pour la reproduction illicite des plans.


Estimant que l’indemnité versée ne couvrait pas l’intégralité de son préjudice, le bureau de maîtrise d’œuvre a alors assigné le particulier et la société de construction, afin d’obtenir réparation du préjudice né du non versement de ses honoraires.

 Celui-ci semblait vouloir être indemnisée à trois titres, pour le préjudice moral résultant de la reproduction sans autorisation des plans, pour le préjudice patrimonial lié à cette même reproduction, et pour le préjudice né du non paiement de ses honoraires.

Débouté en première instance, sa demande est rejetée par la Cour d’appel, laquelle estime que le préjudice né du non versement de ses honoraires se confond avec le préjudice patrimonial résultant de l’atteinte à son droit d’auteur, déjà indemnisé par le tribunal correctionnel.

Cette solution avait déjà été précédemment dégagée. (v. CA Rouen, Bellenger, 10 janvier 2003, RG n° 242873)

Le bureau de maîtrise d’œuvre se pourvoit en cassation en soutenant notamment que la rémunération due au titre du contrat de réalisation des plans est différente de la rémunération due en contrepartie d’une éventuelle cession du droit d’auteur et en arguant également de ce que  le seul délit de contrefaçon lui a causé à la fois un préjudice moral et un préjudice patrimonial, distincts du préjudice résultant du non versement de ses honoraires.

La Haute Juridiction donne raison à la Cour d'appel d'avoir considéré que la somme globale réclamée devant le juge pénal comprenait également le préjudice lié à l'absence de rémunération de l'architecte, et non seulement la réparation de son préjudice moal et patrimonial lié à l'utilisation frauduleuse des plans.

Pour éviter tout débat contentieux, l'on prendra soin de passer une convention ayant pour objet la cession des droits de l'architecte auteur des plans, et respectant les mentions obligatoires définies à l'article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle.

 

« Mais attendu que l'arrêt relève que dans ses écritures devant la juridiction pénale, la société X... invoquait à l'appui de sa demande, outre un préjudice moral, un préjudice d'ordre patrimonial résultant de l'utilisation de son oeuvre "sans qu'aucune rémunération lui ait été versée par les utilisateurs ", qu'elle faisait encore valoir que pour chaque édification de l'immeuble l'architecte était en droit de demander l'équivalent de la rémunération au stade du permis de construire, le montant d'une telle rémunération - et donc du préjudice patrimonial - pouvant s'apprécier par référence au calcul imposé par le législateur dans les contrats de maîtrise d'ouvrages publiques, que le tribunal correctionnel au titre de la somme allouée à la société X... a estimé, qu'outre le désagrément résultant d'une utilisation frauduleuse de ses plans, le préjudice subi devait être apprécié au regard des modalités généralement appliquées à l'occasion d'un contrat de construction pour l'autorisation de reproduction d'un plan d'architecte ; que sans dénaturer les écritures de la société X..., la cour d'appel a justement déduit de ces constatations que la somme globale réclamée par ladite société devant la juridiction répressive comprenait celle destinée à réparer le préjudice résultant du non-paiement de la rémunération de son travail et jugé en conséquence à bon droit que la demande formée aujourd'hui devant elle, au titre de cette même rémunération, se heurtait à l'autorité de la chose jugée s'attachant à la décision définitive rendue le 21 septembre 2005 par la chambre correctionnelle de la cour d'appel ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ; »

(Civ. 1, 20 décembre 2012, Sarl Bureau d’étude Vernet, req n° 11-21.162)

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